« Le comique est ce côté de la personne par lequel elle ressemble à une chose, cet aspect des événements humains qui imite, par sa raideur d’un genre tout particulier, le mécanisme pur et simple, l’automatisme, enfin le mouvement sans la vie. Il exprime donc une imperfection individuelle ou collective qui appelle la correction immédiate. Le rire est cette correction même. Le rire est un certain geste social, qui souligne et réprime une certaine distraction spéciale des hommes et des événements. »
Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique, Chap.II-1, 1900
« Dans l’homme d’esprit il y a quelque chose du poète, de même que dans le bon liseur il y a le commencement d’un comédien. Je fais ce rapprochement à dessein, parce qu’on établirait sans peine une proportion entre les quatre termes. Pour bien lire, il suffit de posséder la partie intellectuelle de l’art du comédien ; mais pour bien jouer, il faut être comédien de toute son âme et dans toute sa personne. Ainsi la création poétique exige un certain oubli de soi, qui n’est pas par où pèche d’ordinaire l’homme d’esprit. Celui-ci transparaît plus ou moins derrière ce qu’il dit et ce qu’il fait. Il ne s’y absorbe pas, parce qu’il n’y met que son intelligence.»
Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique, Chap.II-1, 1900
« On obtiendra un mot comique en insérant une idée absurde dans un moule de phrase consacré. »
Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique, Chap.II-1, 1900
« La comédie est bien plus près de la vie réelle que le drame. Plus un drame a de grandeur, plus profonde est l’élaboration à laquelle le poète a dû soumettre la réalité pour en dégager le tragique à l’état pur. Au contraire, c’est dans ses formes intérieures seulement, c’est dans le vaudeville et la farce, que la comédie tranche sur le réel : plus elle s’élève, plus elle tend à se confondre avec la vie, et il y a des scènes de la vie réelle qui sont si voisines de la haute comédie que le théâtre pourrait se les approprier sans y changer un mot. »
Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique, Chap.II-2, 1900
« La vérité est que le personnage comique peut, à la rigueur, être en règle avec la stricte morale. Il lui reste seulement à se mettre en règle avec la société. Le caractère d’Alceste est celui d’un parfait honnête homme. Mais il est insociable, et par là même comique. Un vice souple serait moins facile à ridiculiser qu’une vertu inflexible. C’est la raideur qui est suspecte à la société. C’est donc la raideur d’Alceste qui nous fait rire, quoique cette raideur soit ici honnêteté. Quiconque s’isole s’expose au ridicule, parce que le comique est fait, en grande partie, de cet isolement même. Ainsi s’explique que le comique soit si souvent relatif aux mœurs, aux idées — tranchons le mot, aux préjugés d’une société. »
Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique, Chap.III-1, 1900
« Raideur, automatisme, distraction, insociabilité, tout cela se pénètre, et c’est de tout cela qu’est fait le comique de caractère. »
Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique, Chap.III-1, 1900
« Vivre consiste à agir. »
Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique, Chap.III-1, 1900
« C’est ainsi que des vagues luttent sans trêve à la surface de la mer, tandis que les couches inférieures observent une paix profonde. Les vagues s’entrechoquent, se contrarient, cherchent leur équilibre. Une écume blanche, légère et gaie, en suit les contours changeants. Parfois le flot qui fait abandonne un peu de cette écume sur le sable de la grève. L’enfant qui joue près de là vient en ramasser une poignée, et s’étonne, l’instant d’après, de n’avoir plus dans le creux de la main que quelques gouttes d’eau, mais d’une eau bien plus salée, bien plus amère encore que celle de la vague qui l’apporta. Le rire naît ainsi que cette écume. Il signale, à l’extérieur de la vie sociale, les révoltes superficielles. Il dessine instantanément la forme mobile de ces ébranlements. Il est, lui aussi, une mousse à base de sel. Comme la mousse, il pétille. C’est de la gaîté. Le philosophe qui en ramasse pour en goûter y trouvera d’ailleurs quelquefois, pour une petite quantité de matière, une certaine dose d’amertume. »
Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique, Chap.III-5, 1900
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