Dimanche décembre 8th 2024

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Histoire et l’origine de l’expression « faire ripaille »

Expression « faire ripaille » : Histoire et Origine

Le Château de Ripaille

Avec sa jolie consonance rabelaisienne, l’expression « faire ripaille » suffit à évoquer une table généreusement garnie de gibiers savoureux, de mets délicieux et d’une abondance de vins capiteux… En nos temps si diététiquement corrects, peut-être est-ce le moment de dépoussiérer un peu cette truculente locution et de nous pencher sur ses mystérieuses origines ?

« Faire ripaille » : c’est la faute à Voltaire ?

La provenance de cette tournure est un peu controversée. Malgré une sonorité toute médiévale, le mot « ripaille », dérivant selon certains linguistes de « riper », soit « gratter » dans un emprunt à l’allemand ou au moyen néerlandais, apparaîtrait à la fin du XVIe siècle dans la langue française. On évoquera aussi la proximité avec les termes « ribauds », « ripuaille » et « repaissaille » ou une éventuelle étymologie latine basée sur le mot « riparia » dans le sens de « convive ». Dans tous les cas, ce terme s’appliquait alors surtout aux soldats en campagne allant se nourrir chez les habitants du cru et il s’utilisait sous la forme « faire la ripaille chez quelqu’un ». Mais c’est plus tard le malicieux Voltaire qui fera vraiment le succès de l’expression complète « faire ripaille » en se moquant dans un poème de la vie monacale, mais ô combien gustativement voluptueuse, menée par le duc de Savoie Amédée VIII et ses compagnons, lors de leur retraite spirituelle au prieuré de Ripaille.

Amédée VIII le bon-vivant

Né en 1383, Amédée VIII a passé une partie de son enfance au château de Ripaille ; il y fonde d’ailleurs un prieuré en 1410. Après une vie bien remplie, à la mort de son épouse Marie de Bourgogne et de leur fils aîné Amédée, il se retire à Ripaille en 1434 en créant l’ordre de Saint Maurice pour ses six conseillers les plus fidèles. Mais si Amédée renonce définitivement aux femmes en faisant vœux de chasteté, il n’en dédaigne pas pour autant le reste des plaisirs terrestres et sa petite communauté devient bientôt célèbre pour le faste peu habituel de ses repas… C’est d’ailleurs avec quelques regrets qu’il quittera en 1439 son confortable ermitage pour être nommé antipape par les Pères du concile de Bâles, sous le nom de Félix V, afin de contester l’autorité du pape Eugène IV. Après s’être soumis en 1449 au nouveau pape Nicolas V, remportant au passage quelques titres supplémentaires, Amédée s’en retourne au prieuré de Ripaille, où il s’étendra en 1451.

Un repas au prieuré de Ripaille

Pour ne pas être accusé de calomnier injustement le pauvre duc, penchons nous un peu sur les menus de sa table, consignés bien obligeamment dans son célèbre ouvrage « Du Faist de Cuysine » par Maîstre Chiquart, cuisinier du prieuré de Ripaille du temps de sa splendeur. Il y est surtout question de viandes, décrites comme devant être « de haute graisse » (tout un programme !) : on y retrouve des moutons, des porcs et autres veaux dodus, commandés aux éleveurs locaux par centaines et complétés par de nombreux gibiers et de la volaille de toutes sortes en grande abondance. De telles quantités forcent évidemment l’admiration, ce qui donnera naissance à l’une des expressions populaires de l’époque : facere ripaliam, hoc est indulgere ventri, soit « faire ripaille, c’est soigner son ventre ».

Force est de constater que, quelques centaines d’années plus tard, les considérations diététiques étant passées par-là, il n’est pas sûr que tout le monde partage encore cette gourmande opinion !

SC pour SavoiretCulture.com

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