En mission à Rome à partir de 1553, comme secrétaire de son oncle le cardinal Jean du Bellay, le poète découvre la terre créatrice des grands modèles antiques. La vision des ruines romaines lui inspire en même temps, admiration pour la grandeur passée et tristesse devant le spectacle d’une disparition fatale.
« Comme le champ semé… »
Joachim du Bellay, Les Antiquités de Rome, sonnet XXX – 1558
Comme le champ semé en verdure foisonne,
De verdure se hausse en tuyau1 verdissant,
Du tuyau se hérisse en épi florissant,
D’épi jaunit en grain, que le chaud2 assaisonne3 ;
Et comme en la saison le rustique4 moissonne
Les ondoyants cheveux du sillon blondissant,
Les met d’ordre en javelle5, et du blé jaunissant
Sur le champ dépouillé mille gerbes façonne :
Ainsi de peu à peu crût l’empire romain,
Tant6 qu’il fut dépouillé par la barbare main7,
Qui ne laissa de lui que ces marques antiques
Que chacun va pillant, comme on voit le glaneur,
Cheminant pas à pas, recueillir les reliques8
De ce qui va tomber après le moissonneur.
1 : Tige / 2 : La chaleur / 3 : Fait mûrir / 4 : Le paysan / 5 : Poignée de blé coupé et rangée sur le sol / 6 : Jusqu’à ce que / 7 : Invasions barbares du Ve siècle / 8 : Les restes