Jeudi mars 28th 2024

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Citations Hippolyte Taine

« Quand on commence à embellir sa phrase, à chercher des alliances de mots, à mettre dans un sujet plus d’esprit, d’imagination et d’éloquence qu’il n’en peut porter, le mauvais goût arrive, et la littérature va déchoir. Ce n’est pas un écrivain que nous venons voir, c’est un homme, ou plutôt c’est l’objet lui-même; le véritable artiste est celui qui fait voir son sujet sans laisser voir sa personne. Il est comme un acteur dont tout le talent et tout l’effort sont de disparaître sous le personnage qu’il représente. Et croyez que cet art est le plus grand de tous, bien supérieur à la petite habileté qui équilibre de bonnes phrases correctes, à la rhétorique qui enferme toutes les idées dans le même moule, aux recettes littéraires qui font la période de Rousseau et de Johnson, ou le vers de Pope et de Voltaire. »

Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.3, Chap.II, 1861

« Il n’y a pas de découverte plus difficile et plus délicate que celle des changements de ton par lesquels une idée se continue dans l’idée suivante, car il s’agit alors d’imiter les véritables mouvements de l’âme, de la suivre, toute complexe et capricieuse qu’elle est, à travers les ondulations tortueuses et imprévues par lesquelles elle voyage tour à tour de la joie à la tristesse, de la tendresse à la colère. Nulle science n’y atteindrait; nulle forme préconçue n’y suffirait. Un tact exquis peut seul y conduire; et c’est là tout l’art de l’artiste. Son sujet le mène, comme un courant d’eau conduit et meut une feuille qui tournoie; les mots viennent d’eux-mêmes, et les phrases aussi avec leur ordre, leur ton, leur longueur, capables de s’enfler, de s’abaisser, d’être tonnantes ou humbles, d’imiter par la majesté ou la nonchalance de leur mouvement toutes les faces et tous les accidents du spectacle qui se déroule en ce moment sous ses yeux. »

Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.3, Chap.II, 1861

« Le propre de la nature est d’être variée à l’infini, sans cesse opposée à elle-même, à la foi sublime et naïve; quand on cesse un instant de considérer les petits mouvements d’un insecte ou d’une plante, on voit autour de soi les paysages profonds, et sur sa tête le ciel immense. »

Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.3, Chap.II, 1861

« La Fontaine, en six vers, joint aux mots magnifiques d’un lyrique le ton plaisant d’un conteur. Il est alerte, comme les gens de sa nation, ennuyé quand on le maintient longtemps dans le même ton, prompt à regarder l’envers des choses, disposé à terminer un acte d’admiration par un bon mot. »

Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.3, Chap.II, 1861

« La Fontaine est cet être «ailé, léger, sacré, papillon du Parnasse,» dont le vol capricieux monte et descend au gré de son imagination mobile. Il a plié la phrase comme l’idée; il a retrouvé les coupes de Ronsard proscrites par Boileau. Il a laissé tomber son vers, sans s’inquiéter de le briser. »

Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.3, Chap.II, 1861

« Le regard du philosophe n’est pas celui que nous jetons d’abord sur les choses. Il démêle la nature de l’objet à travers la nuée des circonstances qui l’obscurcissent et la multitude des détails qui l’enveloppent. »

Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.3, Chap.III, 1861

« Créer n’est donc que choisir, parce que choisir, c’est rassembler et agrandir. »

Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Part.3, Chap.III, 1861

« Car le génie n’est rien qu’une puissance développée, et nulle puissance ne peut se développer tout entière, sinon dans le pays où elle se rencontre naturellement et chez tous, où l’éducation la nourrit, où l’exemple la fortifie, où le caractère la soutient, où le public la provoque. Aussi plus elle est grande, plus ses causes sont grandes; la hauteur de l’arbre indique la profondeur des racines. Plus un poète est parfait, plus il est national. Plus il pénètre dans son art, plus il a pénétré dans le génie de son siècle et de sa race. Il a fallu la finesse, la sobriété, la gaieté, la malice gauloise, l’élégance, l’art et l’éducation du dix-septième siècle pour produire un La Fontaine. »

Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Conclusion, 1861

« Sans doute la fable, le plus humble des genres poétiques, ressemble aux petites plantes perdues dans une grande forêt; les yeux fixés sur les arbres immenses qui croissent autour d’elle, on l’oublie, ou, si l’on baisse les yeux, elle ne semble qu’un point. Mais, si on l’ouvre pour examiner l’arrangement intérieur de ses organes on y trouve un ordre aussi compliqué que dans les vastes chênes qui la couvrent de leur ombre; on la décompose plus aisément; on la met mieux en expérience; et l’on peut découvrir en elles les lois générales, selon lesquelles toute plante végète et se soutient. »

Hippolyte Taine, La Fontaine et ses Fables, Conclusion, 1861

« Ne croyons pas que l’homme soit reconnaissant à faux et donne sans motif valable ; il est trop égoïste et trop envieux pour cela. »

Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, L’ancien Régime, Livre I, Chap.I.1, 1875

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